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PART 2

 

 

GSM : vous me corrigerez si je me trompe. En parlant de MH sur certains forums et notamment Lbvgroove à l’époque, ce groupe a fait du rap comme tu l'entends dans ses deux premiers albums (En Mission en Mbeng et Mission Akomplie ndlr). Qu'est-ce qui selon toi fait la qualité de ces deux albums?

Destru : Dans ces albums, vous sentez de l'authenticité avec un esprit hip-hop comme je l'aime.

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GSM : Alice Aterianus-Owanga, une des rares spécialistes du rap gabonais présentait celui-ci dans un article comme étant la force politique principale au Gabon. Qu'en pensez-vous ? (voir l'article : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/26/le-rap-la-vraie-force-politique-du-gabon_5191716_3212.html)

Destru : Je ne suis pas pour mélanger le rap et la politique sachant que le hip-hop sera toujours un mouvement contestataire contre le système, un mouvement de révolte et de critique sociale. Pour ma part je suis un anti-système donc anti-politique. Un côté anarchiste pur et dur ! La récupération politique du rap est déplorable suivi par une jeunesse en totale perdition devant ces médias qui matraquent les ondes et les écrans avec la merde hip-hopement parlant. 90% de ce soit disant rap gabonais en est gangrené... plus rien d'étonnant sachant que c'est la même chose à l'étranger et comme je disais précédemment on est les professionnels du suivisme.

 

GSM : En même temps face à la chienlit musicale et artistique actuelle, quels peuvent être les moyens de pérenniser cette culture avant-gardiste ? N'avez-vous pas trop laissé l'espace à la bêtise que vous pourfendez ?

Destru : Cette culture avant-gardiste est bien pérennisée pour ce qui est de l'ensemble de mes acolytes rapologiques. Le problème est le renouvellement de ces acolytes sachant qu'on a tous plus de 30-40 ans pour la grande majorité. Personnellement je ne vois pas de solution à l'heure actuelle. Pour moi on va crever à petit feu hip-hopement parlant. C'est pour cela que je garde une ligne radicale pure et dure. Les jeunes sont tous déjà bouffés par la nouvelle tendance, on ne pourra jamais refaire leur éducation musicale. C'est une page qui se tourne, on gardera de notre côté cette flamme allumée.

 

GSM : Cela dit, nous avons écouté de bons projets récemment qui restent dans l'ombre. Or les moyens de diffuser ses propres œuvres sont plus démocratisés qu'il y a 20 ans par exemple. Il y a là aussi un laxisme du côté des puristes non?

Destru : Quels projets par exemple ?

 

GSM : C.L.A.M.P 2 par exemple. (Disponible ici => https://www.gstoremusic.com/albums/andgo-amp-nguema-ndong/15-clamp-2)

Destru : CLAMP 2 est un projet de qualité effectivement, du bon hip-hop comme j'aime. De mémoire, je crois savoir qu’on peut le trouver sur plusieurs plateformes de téléchargement. La seule critique que je peux faire c'est qu’on ne peut pas le trouver au format physique. Un puriste préfère le physique ! Après c'est sûr qu'il y'a un laxisme, je suis pareil de ce côté et pour mon cas je vais vous dire pourquoi. La culture hip-hop est un état d'esprit que tu prônes par passion, que ça morde ou pas franchement cela ne fera pas changer mon avis sur la culture hip-hop ! L'underground c'est surtout le bouche à oreille, pas besoin des médias pour le faire ! Je vous prendrai l'exemple de Lunatic en France, tout en étant boycotté par la majorité des médias, ils ont fait presque 200 000 ventes. Ces chiffres c’est l’équivalent d’environ 5000 ventes au Gabon et de mémoire, seul Raboon l'a fait. Mais ces derniers étaient médiatisés (rires) !

 

GSM : L'underground gabonais est-il justement structuré au point de faire circuler ses produits? Y a-t-il réellement un bassin et des liens de solidarité?

Destru : Ca commence à se structurer, on se connait presque tous dans l'underground. Quand je parle de l’underground ce sont ceux qui font du rap à l’état pur. Après quand je vois que les gars ne font en moyenne que 100-200 exemplaires physiques et qu'ils sont tous vendus, il y a de l'espoir. Mais je continue de penser que le manque de moyens est un frein. Après est-ce qu’on va baisser notre froc pour avoir plus de moyens ? Celui qui fait cette erreur sait qu'on le cataloguera et qu'il n'aura plus aucune estime à nos yeux. Si vous remarquez bien les gars de l'underground qui sortent des projets vous les retrouvez en collaboration dans les mêmes projets des autres, ce qui est bien. Après, j’ai conscience qu’il faut aller plus loin. Il y'a également l'entraide et qui dit entraide dit solidarité ! Un frère te demande par exemple un certain montant pour acheter du nouveau matos, pour faire un clip, pour aller au studio etc. tu vois ce que tu peux faire, à la mesure de tes moyens. De ce point de vue, je pense qu'il y'a des améliorations à faire et beaucoup plus dans l'organisation. Par exemple, si les 100 premiers exemplaires sont vendus pourquoi ne pas en retirer 50 ou 100 pour voir ce que ça donne ? Pourquoi une fois par an ne pas faire un show 100% underground, etc. après, j'avoue que c'est toujours facile à dire qu'à faire.

 

GSM : Vous résidez à Port-Gentil et en terme de bassin culturel, la ville est propice aux initiatives culturelles. On laisse dans votre camp une initiative de spectacle strictement underground. Une sorte de rendez-vous annuel à contre-courant évidemment de ce qui se fait globalement à Libreville. Qu'en pensez-vous ?

Destru : Depuis mon arrivée sur Port-Gentil il y'à bientôt 10 ans, je me suis focalisé sur ma vie personnelle, c'est à dire mon travail et ma vie de famille. J’ai rencontré des rappeurs rapidement à Port-Gentil dans le plus grand des hasards mais nous n’avions pas la même idéologie pour la plupart. Après, le seul avec qui j’aurais pu collaborer c’est avec Myse qui pour moi est un rappeur à l’état pur mais nos emplois du temps respectifs ont pris le dessus. Donc pour te répondre cette initiative peut être très intéressante mais cela sera sans moi.

 

GSM : Le rap c'était mieux avant. Vous y souscrivez?

Destru : En termes de qualité et de quantité j'y souscris à 100% !

 

GSM : Au regard de votre longue expérience, répondriez-vous tu favorablement à n'importe quel rappeur pour une raison lié à cet art (production, conseil, etc.)?

Destru : Oui et non. Non pour les productions, il faut que le rappeur soit dans le même monde que moi hip-hopement parlant ou s'en rapproche très fortement et qu’il fasse ce que j’aime ! Comme dit précédemment, le mouvement hip-hop est une passion pour moi donc j'ai toujours donné mes productions sans aucune compensation ! Je suis très intransigeant et tellement pointilleux que des fois je ne suis pas d’accord avec eux, si ce n’était que moi l’album de Ken Kiz « Mémorial » ne serait jamais sorti. Oui pour les conseils car ma porte reste toujours ouverte pour cela, afin de partager mon idéologie.

 

GSM : Est-ce que en l'état actuel, le rap en Afrique doit continuer à prendre New York ou La Californie comme des références ?

Destru : Si le rap africain veut apporter sa touche personnelle et originale, je dirais que non, après on ne pourra jamais nier que le rap vient des States et sachant que je me considère comme un puriste je dirai que oui.

 

GSM : Que penses-tu du journal rappé de Xuman et Keyti, né au Sénégal et qui inspire à travers l'Afrique ?

Destru : Superbe idée plus qu’originale d’ailleurs, franchement chapeau et les 2 rappeurs sont des bons gars, Gunman Xuman faisait déjà très mal dans les années 1990 avec son groupe Pee Froiss et KT avait fondé le groupe le plus hardcore du rap sénégalais Rap'adio. Oui, leur journal inspire, le journal rappé guinéen est mis en place depuis quelques mois par Masta G, d’ailleurs j’ai participé à 2 épisodes en tant que beatmaker.

 

GSM : Et dire que MH avait cette idée quand on regarde le concept du clip "Aux choses du pays"... le rappeur au final est un chroniqueur social ?

Destru : Tout à fait... Chroniqueur social très bien vu !!!! Le rappeur vient raconter son vécu, ce qu’il vit et voit au quotidien. Il retranscrit tout cela tout en apportant un engagement social pour que les choses changent.

 

GSM : On a très peu parlé de ton travail ou de ta passion du beatmaking, et cela prendrait sans doute une autre interview. En guise de mot de fin, deux dernières choses: ton avis sur le clash Amenem VS Tris et quel message adresses-tu aux internautes et amateurs de hip hop?

Destru : Pour moi le rap n'est pas une compétition, c'est une passion avant tout. J’ai l’impression que leur clash n'est là malheureusement que pour le buzz. Personnellement, ils me font penser à mes gosses en train de se chamailler donc c'est un non-événement. Je dirai de ne pas suivre ces conneries, le mouvement hip-hop est là pour se rassembler et non se diviser. On n’est pas là pour se tirer dessus, de créer des confrontations inutiles qui ne débouchent sur rien de concret. L’esprit Hip-Hop tombe de plus en plus bas. Je finirai en mentionnant cette phrase de Afrika Bambaataa « Peace, Unity, Love and Having Fun »… Et pour la seconde interview c’est quand tu veux…

 

 

 

Interview rondement menée en deux temps trois mouvements par Le Presque Grand Boong

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