Une nouvelle fois, cette interview vous propose de (re)découvrir un amateur des mots comme le Gabon en regorge et fait éclore chaque saison. Rencontre avec Franck Noël Mackosso alias NO, double détenteur du titre de champion du Gabon de poésie urbaine. Il nous livre ses ambitions et son cheminement dans son art des mots. Lecture…



Gstoremusic : Merci de nous accorder la primeur de cette interview. Tu viens de remporter la coupe nationale de poésie urbaine autrement dit de slam, en réalisant un doublé inédit dans l’histoire de cette compétition. Que représente à tes yeux cette deuxième consécration ?


NO : Je ne focalise pas ma carrière artistique sur des titres, le plus important n'est ce que moi je reçois mais plutôt ce que je donne ou encore ce que j'ai a donné…


GM : Néanmoins, quand on est consacré à deux reprises et pour une grande première, cela ne laisse pas indifférent !


NO : Le premier était beaucoup plus important pour moi... Mais il faut dire que le 2ième donne une valeur ajoutée au premier, une manière de me dire que je suis vraiment sur la bonne voie. Mais lorsqu'on y pense c'est énorme.


GM : Après un deuxième sacre, vises-tu un troisième ? Et que réponds-tu à ceux qui pensent que le champion sortant ne devrait pas se représenter pour laisser éclore d’autres talents ?


NO : C'est vrai qu’on dit « jamais deux sans trois », mais non je ne suis pas guidé par l'orgueil mais par l'esprit du partage. J'avais un message à passer au travers de mes textes j'ai soumis mes textes à cet évènement qui est le plus populaire en matière de slam dans mon pays. Si celui qui m'inspire et me fait interprète de son message fait encore de moi son instrument, je n'aurais pas à dire non. Et puis, je ne pense pas que mon talent ou ma lumière fasse de l'ombre aux autres. Au contraire, ma présence à ce concours permet une certaine émulation.


GM : Et qui est « Celui » qui t’inspire ?


NO : Le Grand, Celui qui te limite au pseudo de "Presque Grand" (rires).


GM : Bien vu ! A présent revenons-en à toi. Qu’est-ce qui selon toi te distingue de tes concurrents et qui a fait la différence le 25 mars dernier ?


NO : J'ai envie de dire l'originalité comme le dit mon peuple, l'originalité de mes textes mais le tout appuyé par une performance scénique hors pair.


GM : Pour mieux te connaître, rembobinons parlons un peu de tes premiers pas dans le slam, comment commencent ton intérêt et ton initiation au slam ?



NO : Je suis un jeune de la rue influencé par l'art du beau et par la musique hard qu'écoutaient mes grands frères. Depuis l’école primaire, j'écrivais mais je ne savais pas que c'était du slam. Je pensais plutôt que c'était du rap car à ce moment-là, personne autour de moi ne connaissait le slam. Mais mon truc était différent, j'écrivais avec des grosses figures de style et je dégammais sur le beat. Et je me suis senti plus à l'aise quand je rappais a cappella parce que là je m'exprimais vraiment librement. Sans code, sans une caisse de son ou autre, je faisais des envolés lyriques et c'était magique, tout le monde kiffait. C’est en 2006 que le rappeur gabonais Lestat XXL m’a dit que c'était du slam et que je n'étais pas seul dans mon délire. Il m’a alors présenté le Nyabinghi poésie. Et tout part de là.


GM : Autrement dit, pour toi, on est plus libre en slamant qu’en rappant ?


NO : Oui, bien sûr. Le rap a trop de codes. Il faut avoir un flow (si tu veux être un bon rappeur), il ne faut pas dégammer, il faut respecter la mesure donnée par la caisse claire. En slam il n'y a aucune règle!


GM : Pour la deuxième fois, tu vas représenter le Gabon au championnat mondial de slam en France. Comment s’était passée ta première participation et que comptes-tu faire cette fois pour décrocher le graal sachant que la meilleure place occupée par le Gabon jusqu’à présent est la place de finaliste ?


NO : En 2016, j'ai gagné la compétition nationale devant celui-là même qui est arrivé en finale de la coupe mondiale en 2013 et j'avais donc pour mission de faire mieux que lui (donc être champion du monde) cependant… Par ailleurs, Le Gabon n'a pas été au rendez vous de cette édition et de peur de dire n'importe quoi, je laisserai le soin aux organisateurs d'étayer ce sujet. Mais c’est bien d'en parler car beaucoup pensent que j'y étais mais non.


GM : Pour mieux situer nos lecteurs, tu es en train de dire que tu ne prendras pas part à la compétition internationale de juin en France ?


NO : Non…


GM : Qu’à cela ne tienne… As-tu déjà été sollicité pour des contrats de publicité, sinon quelles sont les retombées de ce sacre ?


NO : Non, rien pour l'instant venant de l'extérieur. Actuellement, je suis en studio pour un album et j'ai fait un super clip.


GM : Avant de parler de ce dernier clip, revenons à la compétition. On s’aperçoit que les textes des slameurs sont abondamment imprégnés du contexte socio-politique. Dirais-tu que c’est logique ?


NO : Normal ! Les artistes ne sont pas des magiciens mais des musiciens des lettres, on écrit ce que l'on vit.


GS : Que répondrais-tu à un homme politique qui souhaiterait te coopter ?


NO : Me « coopter » ?


GM : T’enrôler dans une campagne électorale par exemple ou pour chanter ses louanges…


NO : Bah, je ne pense pas qu’un mec ait le courage de vouloir me coopter. A ce sujet, mes textes sont bien clairs…


GM : Il n’empêche qu’on a connu des artistes aux textes subversifs mais qui n’ont pas résisté à l’appât du gain…


NO : Ah je comprends mieux le sens de ra question. En 2016 j'ai refusé de faire la campagne présidentielle. Et en tant que champion j'ai travaillé gratuitement toute l'année avec des associations. En effet, l'argent ce n’est pas mon délire. Voilà pourquoi je cherche un manager. A César ce qui est à César et à la rue ce qui est à la rue.


GS : Tu anticipes un peu sur la question suivante, je vais donc essayer de la formuler autrement? Outre un album en préparation et la recherche d’un imprésario, y a-t-il d’autres stratégies que tu mets en place pour vivre de ton art ou du moins construire quelque chose au-delà des titres de champion ?


NO : Bien sûr ! En vrai, le travail a été fait pour le champion 2016, celui de 2017 a deja l'équipe, donc ça ira plus vite.


GM : Malgré un regain de forme récent, on note tout de même un certain essoufflement d’un certain genre de rap engageant, militant, on constate dans le même temps qu’une écrasante majorité des slameurs gabonais formulent principalement des préoccupations sociopolitiques. Dirais-tu qu’actuellement le slam, parvient à combler ce vide artistique laissé par le rap militant ?


NO : Non, je ne le pense pas. Le rap a toujours eu ses adeptes du bling-bling donc des mecs qui ont toujours fait la chose pour suivre ceux qui les payent le mieux. Mais toujours est-il que malgré cela, il y a encore des rappeurs qui expriment les faits sociaux. Et idem dans le slam. Je connais des mecs lourds, en opposition radicale face au pouvoir en place mais aussi ces paroliers qui ont vendu leurs âmes au diable…


GM : Qui selon représente une valeur sûre du slam gabonais ?


NO : Bah moi ! (rires)


GM : En dehors de toi bien sûr…


NO : Lorsque je parle du slam c'est dans toute sa diversité. Il y a les mecs de mon collectif (Aluman et Poséidon ), Joé et Larry et d'autres encore. Mais on n’est pas nombreux…


GM : Venons-en à ta vidéo. Le texte évoque le Gabonais qui dans ses actes ou attitudes réclame une chose et son contraire. Ce paradoxe est-il selon toi le problème essentiel du Gabon ?


NO : Exactement ! A propos de la vidéo, je n'ai rien à dire sinon conseiller aux internautes et mélomanes d'aller la suivre sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=vlV0mCNik24) ou sur ma page Facebook officielle (https://www.facebook.com/slammasterno/?ref=page_internal).


GM : Abdel Malik est passé lui aussi du rap au slam, un peu comme toi, toute proportion gardée. Est-ce un modèle pour toi sinon quelles sont tes références?


NO : Passer du rap au slam, de l’ouvrage manuscrit à la réalisation de films, pour moi, c'est un référentiel artistique. En cela on peut comprendre que le plus important n'est pas la carrosserie mais le moteur. Le plus important n'est pas la forme mais le fond. Donc le message. Tu sais on est pas dans l'art pour se faire voir mais pour se faire entendre.

Par tous les moyens, le jeune de la rue veut qu'on écoute ses problèmes. Alors il utilisera le slam, le rap, la danse et même des graffiti pour passer son message.


GM : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?


NO : Je pense qu'on peut souhaiter que le seigneur me préserve dans l'interprétation de son message car le plus important n'est pas le messager mais le message. Mes pages artistiques sont open pour ceux qui veulent me suivre.




Presque grande Interview réalisée  ?en deux temps, trois mouvements?par Bounguili Le presque Grand



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